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Dominique Bertinotti, 60, war französische Familienministerin. Die Sozialistin kämpfte für die sogenannte mariage pour tous, die Homo-Ehe und das Adoptionsrecht für gleichgeschlechtliche Paare - und damit gegen halb Frankreich. Im Februar 2013erkrankte Bertinotti während ihrer Amtszeit an Brustkrebs. Sie wurde operiert und unterzog sich einer Chemotherapie. Im November 2013 machte Bertinotti ihre Krankheit öffentlich, im Februar 2014 schied sie nach den Kommunalwahlen aus dem Parlament aus. Erstmals spricht sie in einem deutschen Medium über ihre Erlebnisse in der Zeit ihrer Krebserkrankung.
SPIEGEL ONLINE: Frau Bertinotti, außer dem französischen Präsidenten François Hollande und einer Handvoll Vertrauter wusste niemand von Ihrer Krebserkrankung. Warum hielten Sie die Krankheit zunächst geheim?
Bertinotti: Ich wollte nicht, dass die Krankheit in den Mittelpunkt meines Leben und meiner Politik gerückt wird. Dazu waren mir die Themen, für die ich politisch kämpfte, zu wichtig. Ich habe bewiesen, dass auch eine an Brustkrebs erkrankte Ministerin schwierige Entscheidungen treffen kann. Mein Verstand funktionierte schließlich noch genau so gut wie vor der Diagnose. Niemand hat etwas bemerkt.
SPIEGEL ONLINE: Selbst als Sie mit Perücke vor die Kameras traten.
Bertinotti: Ja, das war schon verrückt. Bei der ersten Pressekonferenz war ich furchtbar nervös, ich hatte Angst, die Perücke könnte rutschen und alles auffliegen. Aber niemand nahm davon Notiz. Im Gegenteil, in dieser Zeit bekam ich von manchen Kollegen Komplimente für meine neue Frisur oder mein Make-up.
SPIEGEL ONLINE: Sie gingen samstags zur Chemotherapie, und montags debattierten Sie schon wieder bis spät in der Nacht in der Nationalversammlung. Wie haben Sie das geschafft?
Bertinotti: Die Wochenenden waren wirklich schrecklich. Aber ich habe das große Glück, eine stabile Physis zu haben. Auch die Arbeit hat mir in dieser Zeit immer wieder Kraft gegeben, all die Widrigkeiten, die diese Krankheit mit sich bringt, zu bekämpfen. Das war meine persönliche Überlebensstrategie.
SPIEGEL ONLINE: Darf man als Politikerin keine Schwäche zeigen?
Bertinotti: Das ist ja nicht nur in der Politik ein Problem. Wenn du Krebs hast, sehen dich die Menschen mit anderen Augen. Das ist Fakt. Wir leben in einer sehr leistungsorientierten Gesellschaft - wer gesundheitliche Probleme hat, wird schnell aussortiert.
SPIEGEL ONLINE: Was muss sich Ihrer Meinung nach ändern?
Bertinotti: Krebs ist heute eine Volkskrankheit, Millionen Menschen überleben und leben mit dieser Krankheit. Daher müssen wir Krebskranke in den Arbeitsalltag integrieren statt sie weiter als Todgeweihte zu stigmatisieren. Wer arbeiten kann und will, den sollten wir dabei unterstützen. Das ist der Grund, warum ich über meine Krankheit rede.
SPIEGEL ONLINE: Kritiker werfen Ihnen vor, Sie würden andere Krebskranke damit unter Druck setzen.
Bertinotti: Das ist absurd. Ich will kein Vorbild sein. Es gibt nicht denKrebs. Im Französischen sagen wir: "Une maladie - mille histoires" ("Eine Krankheit - tausend Geschichten"). Jeder Krebs, jeder Krankheitsverlauf, jeder Patient ist anders. Mir war natürlich bewusst, dass ich mit meinen Äußerungen polarisiere. Aber ich bin Politikerin, das ist mein Job. Und ich will meinen Teil dazu beitragen, das Thema Krebs zu enttabuisieren.
SPIEGEL ONLINE: Manche Attacken waren sehr persönlich, Ihr monatelanges Schweigen wurde als Lüge tituliert. Haben Sie diese Anfeindungen verletzt?
Bertinotti: Nein, ich habe das nie persönlich genommen. Über meine Krankheit zu sprechen, war und ist ein politischer Akt. Die Reaktionen haben mir höchstens bestätigt, dass ich mich richtig entschieden habe. Es war gut zu schweigen, als meine politische Arbeit im Fokus der Öffentlichkeit stand, ich aber noch in Behandlung war. Und es war wichtig, nach der Therapie offen über die Krebserkrankung zu sprechen, weil wir dringend eine offene gesellschaftliche Debatte über dieses Thema führen müssen.
SPIEGEL ONLINE: Viele Krebskranke berichten, dass ihr Leben durch die Diagnose jede Unschuld verloren habe.
Bertinotti: Das kann ich verstehen, die Krankheit konfrontiert einen mit der eigenen Sterblichkeit. Alles konzentriert sich auf das Wesentliche. Für unnötiges politisches Kleinklein hatte ich während meiner Erkrankung überhaupt keine Nerven. Dafür war mir meine Zeit viel zu kostbar.
SPIEGEL ONLINE: Sie haben als Archivarin für den inzwischen verstorbenen Präsidenten François Mitterrand gearbeitet. Dass er mehr als fünfzehn Jahre an Prostatakrebs litt, wurde Zeit seines Lebens geleugnet. Warum haben Sie es dreißig Jahre später anders gemacht?
Bertinotti: Das waren ganz andere Zeiten damals, das kann man nicht vergleichen. Ich habe viele Briefe von Leuten bekommen, die sich bei mir dafür bedankt haben, dass ich das Thema öffentlich angesprochen habe. Es gab danach sogar Bürgermeisterkandidaten, die sich im Wahlkampf zu ihrer Krebserkrankung bekannt haben. Das finde ich sehr mutig. Niemand sollte sich dafür schämen. Aber grundsätzlich muss jeder für sich selbst entscheiden, wie er mit der Krankheit in der Öffentlichkeit umgeht. Ich würde es wieder genau so machen. Je ne regrette rien.
L'intégralité de l'interview sur le site :
15 août 2014 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Pou réécouter l'intégralité du débat :
http://www.franceinter.fr/emission-service-public-la-vie-apres-le-cancer
22 juin 2014 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le 22 novembre dernier, Dominique Bertinotti, l’ex-ministre déléguée à la famille, stupéfiait l’opinion publique en révélant son cancer au quotidien Le Monde. Retour sur une tempête médiatique… PROPOS RECUEILLIS PAR BÉATRICE LORANT
Secrète, pudique, Dominique Bertinotti déteste le "déballage". Si elle a accepté de recevoir Rose, ça n’est surtout pas pour se raconter, mais par "devoir", nous avait-elle dit, vis-à-vis du magazine qui, comme elle, souhaite faire évoluer le regard de la société sur le cancer. Et par sympathie pour les lectrices, dont elle partage désormais une part d’expérience. Plus précisément, aussi, c’était pour elle l’occasion de revenir sur ses révélations au Monde et sur le malentendu qu’elles avaient parfois suscité, y compris chez les malades. Un entretien dans son bureau ministériel, ou plutôt une conversation assez informelle, même si l’ancienne ministre déléguée à la famille ne se départit jamais de sa réserve. Quand l’échange prend un tour plus intime, elle laisse planer un long silence, puis passe parfois du je au vous…
Rose Magazine. Aujourd’hui, comment allez-vous et vous estimez-vous guérie ?
Dominique Bertinotti. Je vais bien, mais pour ce qui est de ma "guérison", je suis plutôt comme les médecins, qui ont du mal à prononcer le mot. Et après tout, est-ce si important ? La guérison, ce serait qu’à un moment donné je ne sois plus sous contrôle. Or, être sous contrôle, c'est justement une forme d'assurance-vie ! Je préfère raisonner en ces termes-là !
Vous semblez appréhender les choses de manière très positive. Avez-vous jamais douté ?
Le moment de l’annonce a été très très rude. Vous prenez un immeuble sur la tête. Ensuite, vous passez des journées très éprouvantes, le temps que les médecins déterminent si le cancer est ou non localisé. Là, l’angoisse est totale. Mais après, j’ai pris jour après jour. J’ai fait une croix sur le fait d’être "en bonne santé". Pas la peine, du coup, le matin, de me plaindre d’avoir mal à tel ou tel endroit. Ça faisait partie du parcours. J’avais des tas de "médicaments au cas où" et j’ai appris à vivre avec.
À ne pas vouloir "être" malade, c’était comme si vous ne l’étiez pas, finalement !?
Un peu, oui. Je pouvais travailler, tenir des réunions. Et comme mes collègues, ou les députés, ignoraient que j’étais malade, ils ne me percevaient pas comme telle. Cela me permettait d’oublier la maladie pendant un temps.
Pourtant, à un moment donné,vous avez changé de stratégie et choisi de révéler votre cancer. Pourquoi ?
Parce que de la même façon qu’il m’est apparu comme une évidence que je ne le dirais pas, il m’est apparu comme une évidence que je le dirais. Mes traitements étaient terminés et j’avais des résultats très encourageants. Les conditions étaient donc réunies pour que je puisse m’exprimer
Parce qu’a contrario, si les résultats n’avaient pas été si encourageants,vous vous seriez abstenue ?
Je ne sais pas… Depuis que j’ai appris l’existence de ce cancer, je n’ai jamais raisonné avec des "si". J’ai pris les choses telles qu’elles se présentaient. Sans prospective particulière, parce que la médecine n’est pas une science exacte : il y a toujours des probabilités, des statistiques, beaucoup de points d’interrogation… Chaque histoire est singulière, chaque corps particulier. Donc inutile de se dire "et si…".
Vous avez souhaité vous exprimer dans un média généraliste. Mais pourquoi Le Monde et pas la télé, par exemple ?
Parce que je ne voulais pas être dans le voyeurisme, le déballage. Le récit est un temps long. L’interview télé ou radio est souvent un temps bref, qui se nourrit de sensationnel. Je n’avais aucune envie de « raconter » mon cancer, qui est une affaire entre moi et moi. Le Monde était d’accord, la journaliste très intéressée. On a discuté avant l’entretien pour nous mettre bien d’accord sur ce que je dirais et ce que je garderais pour moi.
Et votre objectif, c’était "faire évoluer le regard de la société"…
Oui, parce que la terreur avec laquelle la société continue de voir la maladie, je l'ai ressentie, et que faire évoluer les mentalités fait partie de ma fonction de personnalité publique. J'ai donc considéré mon témoignage comme un acte politique. Je voulais que le monde du travail, des assurances, et d’une manière générale l’ensemble de nos concitoyens s’interrogent sur la place des malades dans notre société. Il est par exemple plus simple, pour un employeur, de mettre son salarié malade de côté plutôt que de chercher – quand c’est possible – des solutions pour le garder : aménagement du temps ou du poste de travail, mutation interne… Parmi les lettres que j’ai reçues, je me souviens de celle d’un homme qui expliquait avoir composé avec ses RTT pour rester au travail. Les RTT ne sont pas faites pour se soigner ! Nous vivons dans une société obsédée par l’infaillibilité, la performance. Je voulais dire qu’on peut être très opérationnel et malade.
Mais tant mieux si certaines réactions ont été vives ! C’est la preuve que les malades se sont emparés du débat. Une majorité de femmes ont accueilli mon témoignage avec un immense soulagement. D’autres l’ont pris comme une forme d’agression, pensant que je m’érigeais en exemple, que je faisais l’apologie du maintien au travail pendant la maladie. J’ai reçu des lettres de femmes débordées par la maladie, à qui je renvoyais une image insupportable. Je comprends ce sentiment, bien sûr, et je le respecte. Le cancer vous confronte à des choses très profondes et très personnelles, comme l’estime de soi, par exemple. On ne sait pas si on a les ressources nécessaires, comment on va affronter. Face à la maladie grave, on est finalement le produit de sa vie, avec tous ses plus et tous ses moins, toutes ses forces et toutes ses faiblesses. On se retrouve sans fard. Et ça peut sérieusement vous ébranler.
Vous attendiez-vous à un tel écho ?
Non. Je n'ai absolument pas mesuré l'impact de cet entretien. Ca m'a totalement dépassée. Je n'aurais peut-être pas été à ce point déterminée si je m'étais doutée du retentissement qu'aurait cet article. Pendant les quinze jours qui ont suivi, j’ai reçu plus d’une centaine de lettres, des récits tellement humains, tellement profonds, parfois poignants, que c’était beaucoup pour mes épaules.
Comment vous êtes-vous sentie quand le journal a été sous presse, prêt à paraître, donc ?
J’avais décidé de parler, donc j’assumais ce qui pouvait se passer. Mais j’étais quand même un peu inquiète. Je me demandais bien comment mon témoignage allait être reçu par mes collègues, la classe politique en général, le public…
Justement, vos collègues, le public vous ont-ils regardé autrement après cet article ?
Je ne me suis pas trop posé cette question. Mais il n’y avait pas un seul de mes déplacements ministériels sans que des gens viennent me voir. Je suis devenue confidente. De nombreuses femmes, mais aussi des hommes sont venus me raconter leur histoire. C’est là que j’ai vraiment pris conscience de la chape de plomb qui pèse sur tout ce qui entoure la maladie. Et cette chape de plomb, je pense avoir un peu contribué à la soulever.
Et vous, portez-vous aujourd’hui un autre regard sur vous-même ?
Prendre conscience que la vie est précaire vous change forcément. Vous ne vivez plus de la même façon avec cette conscience-là. Je ne me le répète pas tous les matins, mais je le sais. J’ai vécu cette ligne de côtoiement, la vie d’un côté, la mort de l’autre… Aujourd’hui, je n’ai pas envie de retrouver totalement le personnage que j’étais avant. Certains comportements pouvaient me blesser, m'atteindre. Aujourd’hui, j’y suis indifférente. Je série mes combats. Je ne veux pas me laisser polluer, me stresser inutilement.
Avez-vous des projets que vous n’envisagiez pas avant ?
Des projets matériels, non. Peut-être un approfondissement de la qualité de la relation humaine. Comme la vie est précaire, mieux vaut essayer de faire que la relation aux autres soit de qualité. Ça demande plus d’exigence, plus de temps, plus d’écoute, plus de réciprocité.
Oh ! Non ! Je n’irai pas jusque-là ! Et surtout, ça n’est pas à moi de répondre à cette question !
28 mai 2014 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
SCRIPT
JJB: Notre invitée ce matin est Dominique BERTINOTTI. Bonjour.
DB: Bonjour.
JJB: Ministre déléguée à la Famille. On a beaucoup parlé de vous.
DB: On a beaucoup parlé de la famille.
JJB: Oui. Vous savez que vous êtes courageuse ?
DB: Merci ! Je le prends comme un compliment.
JJB: Vous êtes courageuse en ce moment ?
DB: Je me considère fidèle à mes engagements et à ce que je suis.
JJB: Oui, et fidèle au président de la République.
DB: Et fidèle au président de la République.
JJB: Justement, ce projet de loi, ex-projet de loi sur la famille ne sera pas discuté, ne sera pas déposé.
DB: En tant que tel.
JJB: En tant que tel. Nous allons revenir sur les amendements qui seront proposé dans les mois qui viennent, Dominique BERTINOTTI. Ne pas le déposer, le faire disparaître, est-ce une décision du président de la République ?
DB: C'est une décision de l'exécutif bien évidemment.
JJB: Donc du président de la République.
DB: Et du Premier ministre.
JJB: Et du Premier ministre.
DB: Bien sûr.
JJB: Quand a-t-elle été prise ?
DB: Lundi.
JJB: Elle a été prise lundi ?
DB: Écoutez, officiellement…
JJB: Elle n'a pas été prise avant ?
DB:Écoutez, moi je ne suis pas dans le secret des Dieux. En tous cas, ce que je peux dire c'est que moi, à titre personnel, j'ai été informée lundi.
JJB: Vous n'avez été informée que lundi ?
DB: Oui. Je pense qu'il faut retracer un petit peu le fil de l'histoire du lundi. Il y a eu des prises de position d'un de mes collègues, puis du président de groupe. Il était peut-être temps de mettre un terme - je le dis là avec beaucoup de force – de mettre un terme à ce qui devenait totalement irrationnel, totalement absurde. On ne discutait plus de la loi famille, on discutait à propos de, pour du côté de la Manif pour tous…
JJB: GPA, PMA.
DB: Voilà, parler de la PMA et de la GPA, voire de la théorie du genre, de choses qui, de toute façon, ne figuraient pas dans la loi famille, que je ne cessais de répéter depuis des mois et des mois, et l'irrationnel l'a emporté sur tout. À partir du moment où vous êtes dans un débat où l'irrationnel l'emporte sur tout, il faut savoir mettre un stop pour pouvoir reposer, dans des conditions saines, rationnelles, les vrais éléments qui figuraient dans cette loi famille.
JJB:Dominique BERTINOTTI, vous avez été prévenue lundi du retrait. On est d'accord ?
DB: Oui.
JJB: Lundi matin, votre collègue Manuel VALLS était sur RTL. Il affirmait que le gouvernement s'opposerait à tout amendement sur la PMA et la GPA. D'abord, de quoi se mêlait-il, Manuel VALLS ? Franchement ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Moi, je suis très honorée que le ministre de l'Intérieur s'intéresse aux questions de famille. Oui, absolument ! Je pense que ça démontre une chose, au-delà de la plaisanterie. La famille, nos concitoyens sont très défiants. Il y a une seule chose dans laquelle ils gardent leur confiance : c'est précisément la famille. C'est pour ça que tout le monde – tout le monde, tout le monde ! – s'empare de cette question de la famille parce qu'effectivement chacun peut avoir son avis, son regard, la façon de se projeter dans l'avenir. Donc moi, je me félicite que tout le monde s'y intéresse, y compris dans mes collègues.
JJB: Lui disait ça lundi matin, puis le président du groupe a dit une chose un peu différente dans les heures qui viennent. Ensuite, le Premier ministre a soutenu Manuel VALLS, puis finalement la décision est tombée : plus de projet. Terminé le projet !
DB: Oui.
JJB: Dommage parce que vous aviez bien travaillé. On va y revenir d'ailleurs. Vous aviez bien travaillé. Dites-moi, ça ne vous fait pas mal au coeur de voir tout ça ? Combien de temps vous aviez travaillé sur ce projet ?
DB: Nous travaillons depuis plusieurs mois, depuis plusieurs mois avec…
JJB: Combien de commissions, de rapports ?
DB: Attendez. C'est le produit à la fois de – moi, j'ai consulté plus d'une soixantaine d'associations qui, pour un certain nombre d'entre elles, ont remis leurs propres conclusions. Nous avons constitué quatre groupes d'experts, c'est une soixantaine d'experts qui ont travaillé là-dessus. Il y a un vrai travail qui est mené, qui continuera à être mené. Mais à partir du moment où on ne parlait plus de ce qui était le vrai contenu de la loi famille, et que ça devenait prétexte à descendre dans la rue et à faire du Hollande bashing pour être simple, alors il fallait se déplacer. Je vais vous dire : moi je fais de la politique depuis suffisamment longtemps, et je suis aussi une grande amatrice de voile. Vous savez en voile, quand vous voulez aller d'un point à un autre, ce n'est jamais la ligne droite. Ce n'est jamais la ligne droite. Il faut savoir tirer débord.
JJB: Le gouvernement à tirer à bord si j'ai bien compris.
DB: Exactement, mais ça ne nous empêche pas…
JJB: En prenant une autre direction.
DB: Non ! non, non.
JJB: Vous allez revenir ?
DB: Exactement, exactement.
JJB: Je vais y revenir.
DB: Exactement, et c'est ça qui est important.
JJB: Je voudrais y revenir mais je voudrais épuiser ce moment politique parce que j'ai entendu les réactions et vous aussi. Un sénateur socialiste qui ne comprend pas pourquoi vous n'avez pas démissionné par exemple.
DB: Ce n'est pas dans mon tempérament.
JJB: Vous y avez pensé ou pas ? sincèrement ?
DB: Non, je vais vous dire non parce que précisément je n'ai jamais été mise en cause, y compris ni par le président ni par le Premier ministre, donc ça ne m'a pas effleurée et je pense que j'ai des convictions qui sont à porter dans ce gouvernement.
JJB: Bien. La PMA, vous souteniez la PMA il y a un an.
DB: C'est exact.
JJB: Vous étiez au Cambodge.
DB: (rires) Non, je n'étais pas au Cambodge !
JJB: Non, ce n'était pas au Cambodge ? C'était où ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
C'était le Premier ministre qui était au Cambodge.
JJB: Vous, vous étiez ici. Le Premier ministre au Cambodge, vous avez repris. Je me souviens de ça, oui.
DB: Je pense qu'il faut savoir que la politique, c'est aussi savoir tenir compte de l'instant et du moment. Je pense que fondamentalement, un jour ou l'autre…
JJB: Vous êtes favorable à la PMA ou pas, Dominique BERTINOTTI ?
DB: Je vais vous dire. Cela ne se fera pas dans l'immédiat, mais dans deux ans, dans trois, dans cinq ans.
JJB: Avant la fin du quinquennat, c'est possible ?
DB: Je ne sais pas, je suis incapable…
JJB: Vous y êtes favorable ou pas ?
DB: Il faudra aborder cette question de la PMA. À titre personnel, tout le monde sait que j'y suis favorable, mais je suis aussi consciente et une politique responsable, qu'aujourd'hui le temps de la PMA n'est pas venu.
JJB: N'est pas venu, donc il va falloir attendre.
DB: Il va falloir attendre.
JJB: La PMA peut-être avant la fin du quinquennat. Pas impossible.
DB: Je ne m'y risquerai pas.
JJB: Parce que, dites-moi, la PMA c'est une justice, non ? Comment se fait-il qu'on donne la possibilité à des couples hétérosexuels d'avoir des enfants grâce à la PMA et pourquoi on ne donne pas cette possibilité aux couples de lesbiennes, ou aux célibataires ou aux veuves ? C'est une inégalité ou pas ?
DB: Mais je ne veux pas rouvrir le débat et je vais vous dire pourquoi.
JJB: Pourquoi ?
DB: Parce que le comité consultatif…
JJB: Pourquoi avoir peur du débat ?
DB: Mais nous n'avons pas peur du débat ! Le débat est aujourd'hui dans les mains du comité consultatif national d'éthique qui peut y mettre beaucoup de sérénité, de mesure, de pondération et de répondre à cette question : doit-on ou ne doit-on pas ouvrir la PMA aux couples de même sexe ? J'espère que le CCNE travaillera vite et apportera des réponses circonstanciées parce que…
JJB: Alors si le comité d'éthique dit oui à la PMA, vous faites quoi ?
DB: Laissez-moi finir sur cette question. Parce que la PMA, c'est quelque chose qui s'est créée maintenant il y a plusieurs dizaines d'années et qui a besoin peut-être au-delà de la question de l'ouverture aux couples de même sexe, d'être repensée dans sa globalité. Même dans les couples hétérosexuels, je ne suis pas sûre que l'accès aujourd'hui à la procréation médicalement assistée soit totalement égalitaire sur l'ensemble du territoire. Peut-être que le comité consultatif voudra réenvisager la globalité des modalités d'accès à la PMA. On peut le faire avec mesure et pondération.
JJB: On est d'accord, alors Dominique BERTINOTTI, imaginons que le comité consultatif dise oui à la PMA. Vous faites quoi ?
DB: On verra.
JJB: Vous suivez l'avis ?
DB: On verra.
JJB: Vous suivez ? C'est ce qu'avait dit le président de la République, ce n'est pas moi qui l'ai dit.
DB: On verra ce que le président de la République décidera.
JJB: La loi famille, juste encore, j'entre sur les autres points de la loi famille. Simplement deux commentaires. Un Monde d'Avance, vous connaissez ? C'est un courant du Parti socialiste de Benoît HAMON, d'Henri EMMANUELLI, qui écrit : « Ce recul doit être apprécié avec beaucoup de gravité. En renonçant à mettre en oeuvre dans des délais prévus un engagement pris par le président de la République, le gouvernement prend le risque de se couper d'une partie de son électorat ». Et Un Monde d'Avance engage le gouvernement à revenir sur sa décision. Vous avez vu, ça ?
DB: Vous me l'apprenez. C'est très intéressant.
JJB: Je vous le donne, je vous le donne.
DB: Donnez-le moi, je vais méditer.
JJB: Et Anne HIDALGO qui ne comprend pas le retrait, vous avez vu ? « Je regrette que l'on ait reculé devant des groupes ultraconservateurs ». C'est vrai que vous avez reculé devant un groupe ultraconservateur ?
DB: Je pense qu'il faut bien prendre en compte à quoi ça sert, dans les conditions d'un débat qui sont aujourd'hui totalement biaisées, qui sont totalement irrationnelles, est-ce qu'on pouvait se donner des chances de voir légitimement passer ce projet de loi famille avec son vrai contenu dans ces conditions-là ? Moi je réponds : dans les conditions actuelles, non. Donc il faut avoir la sagesse de dire : il faut le faire autrement, différemment, prendre plus de temps.
JJB: On va y venir. C'est dur la politique, non ?
DB: Ça demande beaucoup de persévérance et de conviction.
JJB: Parfois, il faut avoir un bon estomac pour bien digérer tout ce qu'on avale.
DB: Mais beaucoup de force.
JJB: Et beaucoup de force, oui. Dominique BERTINOTTI, regardons un peu ce que contenait votre projet de loi qui était très intéressant par ailleurs au-delà de ces querelles.
DB: Oui, oui. Mais il reste très intéressant.
JJB: Il le reste. Une prémajorité à seize ans, c'est ce que vous envisagiez.
DB: Une interrogation, effectivement. Effectivement, aujourd'hui ce que l'on constate, c'est que les jeunes ont des droits, les jeunes de moins de dix huit ans ont des droits qu'ils connaissent très, très mal. Je suis sûre qu'ils ne savent pas qu'à dix sept ans par exemple, ils peuvent s'engager dans l'armée. Si on leur demande à quel âge est considérée la majorité sexuelle, je ne suis pas sûre qu'ils le sachent, donc ils ont des droits très éparpillés. L'interrogation, c'était de se dire à partir de l'âge de treize ans, est-ce qu'on ne peut pas définir des tranches d'âge dans lesquelles on leur fait prendre conscience qu'ils acquièrent progressivement des droits et en particulier entre l'âge de seize et dix huit ans, avant de tomber dans la pleine et entière citoyenneté. Est-ce qu'il n'y a pas de nouveaux droits ? Par exemple on autorise un jeune à devenir un travailleur, un salarié à seize ans ; en même temps, il ne peut pas avoir passé son permis de conduire. Or, on sait qu'il y a des métiers qui exigent d'avoir son permis de conduire. On est dans des situations où il s'agissait de remettre de la cohérence et de se dire aussi : est-ce qu'ils ne peuvent pas par exemple, puisque c'est un apprentissage à la citoyenneté, participer de façon consultative à des conseils municipaux pour devenir des citoyens éclairés.
JJB: Dominique BERTINOTTI, justement des propositions de loi socialistes seront déposées, ce qui permettra la discussion à l'Assemblée nationale, des propositions que vous allez soutenir, que le gouvernement va soutenir, vous-même.
DB: Il faut voir le contenu mais je pense qu'il y aura une cohérence avec…
JJB: Vous êtes prête à soutenir ces propositions de loi ?
DB: Nous allons voir ce que le parlement propose de façon explicite.
JJB: Sur le statut de beau-parent, les familles recomposées, le divorce, je crois au mois d'avril. C'est bien ça ? C'est bien ça ce qui est prévu ?
DB: J'attends d'entendre à nouveau Bruno LE ROUX faire ses propositions.
JJB: Mais sur ces sujets-là, si ça reprend votre texte, vous soutenez ?
DB: Bien évidemment. Ce texte était fait pour quoi ? Pour tout simplement dire : aujourd'hui, on a une diversité des modèles familiaux. Les enfants peuvent être confrontés dans leur propre existence d'enfant à justement des modèles familiaux différents. Comment on leur assure de nouveaux repères ? de nouvelles sécurités ? De nouvelles protections juridiques ? Nous étions en train, et j'espère que je le mettrai désormais au futur ; nous allons proposer de nouveaux repères. C'est peut-être cela qui dérange fondamentalement la droite.
JJB: Le statut de beaux-parents, vous pensez que ça dérange ?
DB: D'abord, ce n'est pas un statut : c'est des outils juridiques qui vont être mis à disposition des familles qui souhaitent que le beau-parent se voit reconnue une place en accord avec les parents biologiques de l'enfant. Il y a des beaux-parents qui depuis l'âge de deux ans ou trois ans, élèvent leurs beaux-enfants. Des liens se créent. Est-ce qu'il n'est pas légitime de leur reconnaître des droits, y compris à transmettre ? à transmettre une partie de leur patrimoine ? ou bien d'être reconnus comme assurant et concourant à l'éducation de ces enfants ? Je pense que c'est des mesures de sécurisation. On explique très clairement à l'enfant qui est qui, qui a des droits, qui a des devoirs, et je pense que c'est dans un sens au contraire de sécurisation de ces nouveaux modèles familiaux. Le débat avec la droite, avec l'extrême droite ou avec ceux qui sont très conservateurs, il est assez simple. Ils ont un modèle unique qu'ils veulent imposer à l'ensemble de la société. La société, je dis bien la société car ce n'est pas une affaire de gouvernement ou de parti, fait autrement et nous, en tant que gouvernement, nous avons la responsabilité d'apporter de nouveaux cadres juridiques à ces nouveaux modèles.
JJB: À vos yeux, la famille c'est quoi ? C'est un homme, une femme et des enfants ? Ou c'est aussi autre chose ?
DB: Non mais moi, je n'ai pas du tout la volonté de dire : la famille, ça ne doit être qu'un couple, ça ne doit être qu'un couple avec enfant. Ce n'est pas ça, le problème. C'est de définir les rôles. Par exemple, prenons le cas sur la médiation. Nous souhaitons que, qu'on soit concubin, pacsé ou marié, lorsqu'on a un enfant…
JJB: Séparation.
DB: Non. Lorsqu'on a un enfant, on sache déjà – parce que les concubins par exemple, lorsqu'ils ont un enfant, savent-ils qu'ils ont une autorité parentale qu'ils partagent et que même s'ils se séparent, les deux parents gardent l'autorité parentale sur leur enfant. Nous souhaitons donc mieux les informer sur leurs droits et les devoirs que cela suppose. Leur dire que s'ils se séparent, ils peuvent avoir recours à la médiation et éviter de faire en sorte que dans les séparations conflictuelles, l'enfant soit pris en otage et se trouve dans une sorte de très mauvais conflit de loyauté à l'égard de son père ou de sa mère. Est-ce que ça, ce n'est pas aller vers plus de sécurité et plus, au contraire, de renforcement de la famille ? Ce n'est pas à nous de dire c'est la famille idéale. Ce n'est pas notre propos.
JJB: Dominique BERTINOTTI, ça veut dire que tous ces points, il y a aussi la simplification de l'adoption simple qui est aussi une des idées.
DB: Là aussi, j'ai entendu beaucoup de choses, parce qu'on brandit ce qui pourrait faire peur. Nous n'avons pas l'intention de revenir sur l'adoption plénière. Sur l'adoption simple, elle s'adresse – quand on réfléchit, elle est très peu pratiquée. C'est-à-dire qu'on maintient les liens biologiques mais on permet effectivement d'être éduqué et élevé par une autre famille qui acquiert donc des droits. Nous avons des enfants qui sont enlevés de leur famille parce qu'ils sont en situation de danger, qui ne vont jamais retourner dans leur famille originelle, et qui vont avoir un parcours quelquefois depuis très jeune, depuis l'âge de six mois, un an, jusqu'à dix-huit ans, où ils vont être de famille d'accueil en foyer avec une difficulté à créer de nouveaux liens affectifs, dire : on facilite l'adoption simple pour ces enfants et ton fait en sorte qu'on protège et les parents qui seraient candidats à l'adoption simple, et l'enfant qui serait aussi volontaire, pour dire : cette adoption est irrévocable, au moins jusqu'à l'âge de la majorité. Est-ce qu'offrir une seconde chance familiale à ces enfants, leur permettre de développer de nouveaux liens affectifs, c'est quelque chose de révolutionnaire ?
JJB: Bien. Donc tous ces points reviendront.
DB: J'espère.
JJB: Ce projet de loi va revenir par bribes, découpé en morceaux.
DB: Peut-être, mais en tous cas ça faciliterait…
JJB: Vous soutiendrez si tous ces points sont développés à travers des amendements ?
DB: Juridiquement bien définis, évidemment j'en suis, je dirais, la garante et nous avons travaillé ensemble.
JJB: Dernier mot sur le plan cancer, quelques mots simplement, parce qu'il y a un aspect dans le plan cancer, au-delà des inégalités contre lesquelles il faut lutter, inégalités sociales, inégalités devant la maladie.
DB: Inégalités territoriales.
JJB: Inégalités territoriales, il y a aussi le droit à l'oubli, ce qui m'intéresse beaucoup. Qu'est-ce que vous proposez à travers ce plan cancer en ce qui concerne le droit à l'oubli ?
DB: C'est un nouvel élément fondamental. Le droit à l'oubli, c'est pour bien expliquer, jusqu'à présent qu'on ait un cancer jeune ou moins jeune, de toute façon la société, aussi bien au travail, dans le monde des assurances, dans le monde de l'immobilier, vous garde, vous placarde sur le front l'étiquette de cancéreux. Donc c'est plus difficile pour avoir un prêt, les taux d'assurance sont beaucoup plus élevés et on vous rappelle, au-delà de ces difficultés matérielles, on vous rappelle régulièrement que vous avez eu un cancer, comme si vous étiez en survie et non pas en vie. Donc le droit à l'oubli, c'est une façon de dire : une fois que le cancer est guéri – or, il y a un cancer sur deux qui se guérit et ce taux va aller en augmentant – c'est de dire : voilà, oui il y a eu cette maladie, il n'y a plus de justification à ce que celui ou celle qui a eu le cancer ne soit pas considéré comme un citoyen ordinaire et bénéficie aussi bien au travail que dans les prêts, la vie de tous les jours, des mêmes droits.
JJB: Et des mêmes droits. Maintenant, il va falloir négocier avec les assureurs.
DB: Oui, mais vous savez, je pense qu'il y a une vraie pression de la société, ne serait-ce que parce qu'on vit de plus en plus vieux et que cette maladie est une maladie qui devient quelque part courante. Pourquoi elle devient courante ? Parce qu'on la soigne aussi de mieux en mieux.
JJB: Merci Dominique BERTINOTTI d'être venue nous voir ce matin. Merci.
06 février 2014 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
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